De beaux rires francs pour nous accueillir !

Suite du Compte-rendu de visite d’Isabelle et Pierre

Pour aller de Farafangana à Tangainony, la circulation en voiture étant très difficile, il vaut mieux naviguer sur le fleuve. Nous traversons à pied la ville de Farafangana pour aller au port ; en fait de port, il s’agit plutôt d’une rive où les canots, de longues barques à moteur accueillent facilement 30 personnes. Les lavandières lavent leur linge au milieu des barques. Le port grouille de monde. Thierry nous accueille. Ce Français, marié à une femme malgache (Tina), a acheté 6 canots il y a 5 ans pour faire voyager les touristes et les malgaches, mais la concurrence est exacerbée. Il a essayé d’organiser des tours pour faciliter les départs à heure fixe des canots, mais les règles du jeu n’ont été respectées que quelques mois, et maintenant, c’est la loi du plus fort. La corruption, qu’il évalue à 1/3 de son chiffre d’affaires, freine toutes les bonnes initiatives. Il a été agressé récemment par un concurrent, il a filmé la scène et porté plainte, mais cela n’a servi à rien. Il vient néanmoins d’obtenir une autorisation pour construire un petit port plus loin et espère mener son business tranquillement. Il nous dépeint un tableau de Madagascar sombre. Il se désole de voir ce beau pays sombrer dans la délinquance et la malnutrition. Tout pousse pourtant à différentes saisons, mais rien n’est organisé pour créer les conditions d’un développement harmonieux. La femme de l’un de ses gardiens vient ainsi de mourir de la rougeole. Après 2 heures d’attente et de palabre, nous montons dans le canot de sa société DORIS en compagnie d’un couple de suisses un peu aventuriers, qui souhaitent découvrir l’île loin des sentiers battus. Après 1 heure 1/2 de navigation au milieu des rizières, nous arrivons au village de Tangainony.

Nous le traversons, pour rejoindre les sœurs. Une myriade d’enfants nous suit. Ils nous font de merveilleux sourires, lorsque nous les photographions et filmons. Nous leur montrons nos vidéos prises avec nos téléphones portables et ils rient à gorge déployée lorsqu’ils se voient. Une petite fille de 5 ou 6 ans nous attendrit particulièrement. Sa robe salle tombe en lambeaux, son nez coule, ses dents sont à moitié tombées (c’est l’âge de la petite souris), ses cheveux sont décolorés (c’est un signe de carence alimentaire), et pourtant elle rit. Un beau rire franc et naturel qui nous émeut au plus profond de notre cœur.

Puis nous arrivons chez les sœurs, installées sur les hauteurs du village. Elles nous accueillent chaleureusement, leur gaieté se lit sur leur visage. Nous passons à table et rions beaucoup.

Situation générale

Les sœurs nous décrivent leurs différentes missions :

  • Eradiquer la lèpre et la tuberculose,
  • Scolariser les enfants de la maternelle au primaire (400 élèves), leur donner une bonne éducation religieuse et morale, et gérer la cantine (86 enfants)
  • Assurer la mission pastorale (250 jeunes)

Il y a 4 sœurs : sœur Henriette, la responsable de la maison, sœur Thérèse, la directrice de l’école, sœur Marie-Jacqueline, l’infirmière en charge du dispensaire. Sœur Lidvine est absente car elle est en mission pastorale en brousse.

Le centre compte 24 salariés : 4 aides-infirmiers, 4 cuisinières, 1 jardinier, 1 gardien, 1 lavandière et 13 enseignants. Les familles étant très pauvres, elles ne paient que la cantine (2.000 aryas / mois), afin de les responsabiliser. Les sœurs proposent à Pierre de devenir le professeur de français qu’elles ne parviennent pas à trouver pour l’école !

Une nouvelle école flambant neuve va être inaugurée le 18 mai prochain. Mais la commande de 88 pupitres (environ 2 000€) n’a pas pu être validée par le dernier conseil provincial de la congrégation, car la lettre est arrivée trop tard. Les sœurs attendent le mail d’approbation de la mère supérieure, sœur Zénaïde, pour passer la commande.

 Visites

Nous visitons le dispensaire. Sœur Marie-Jacqueline occupe le poste d’infirmière, mais dans ce village reculé, elle effectue toutes sortes de missions qui relèvent davantage d’un médecin : elle s’occupe des accouchements, soigne la tuberculose, assure les urgences … avec très peu de matériel, mais elle met tout son cœur à l’ouvrage, avec son équipe dévouée. Elle réalise plus de 1 000 consultations par mois. Le lundi et le vendredi sont les journées les plus chargées avec 80 consultations en moyenne, le mardi et le mercredi une trentaine (seulement !). Elle complète les traitements avec la médecine traditionnelle, lorsqu’elle manque de médicaments. Celle-ci peut se révéler efficace, mais il faut être très vigilant, car si la dose est trop forte, la plante médicinale peut devenir toxique ! Le jeudi est consacré au grand nettoyage du dispensaire. Sœur Marie-Jacqueline trouve encore le temps de gagner un petit peu d’argent avec un élevage de poulets et même la fabrication de brioches ! Son sourire illumine son visage, son contact auprès des malades est remarquable. Lorsque nous marchons ensemble, tout le monde vient à elle le sourire aux lèvres et les yeux pleins de gratitude.

Nous visitons également l’aile du bâtiment réservé aux tuberculeux, qui abrite en moyenne 70 malades, répartis dans des chambres 2 par 2, en fonction de la date du début de leur traitement. Nous découvrons une jeune femme qui s’appelle Maria. Agée d’une trentaine d’années, déjà mère de 5 enfants, elle est arrivée complètement épuisée au centre il y a quelques jours, après 1 jour de marche et une ½ journée de pirogue. Sœur Marie-Jacqueline lui pose une perfusion. Elle ne pèse guère plus que 30kg : nous sentons que ses jours sont comptés. Nous la portons dans notre prière. Heureusement, sa maman lui tient compagnie. Nous rencontrons également Kepit, un autre tuberculeux qui ne peut supporter de chemise sur sa peau.

De retour au centre, nous mettons à jour la liste des médicaments qui seront fournis par PHI (environ 6 cartons par an). Nous augmentons les quantités d’antidépresseurs et de crèmes contre les mycoses. Sœur Marie-Jacqueline nous montre notamment l’intérêt de la crème Bétaméthasone, qui permet de faire la différence entre le taches de lèpre et les mycoses. Nous ajustons les relevés de stock de cartons de lait. En ce moment, il y a 4 ou 5 prématurés et beaucoup d’orphelins, suite au décès de mères en couche, qui sont malheureusement fréquents lorsque la naissance a lieu à domicile et non à l’hôpital.

Projets :

  • 88 pupitres pour l’école qui vient d’être achevée,
  • 2 panneaux solaires, notamment pour le microscope et le frigidaire du dispensaire
  • 1 nouvel harmonium pour la chorale de l’Eglise (l’un des enseignants de l’école en joue très bien justement)

Le soir, nous dinons avec les sœurs. Comme toujours, le repas se prend dans la joie. Nous nous faisons des cadeaux ; nous offrons une jolie icone de Marie. Isabelle reçoit un joli sac en paille tressée, Pierre et François un beau chapeau de paille. Après le dîner, nous chantons et prions ensemble. Nous passons vraiment une soirée joyeuse et nos pensées vont à Maria et Kepit.